John Muir, stupéfait de la beauté de la vallée ossaloise
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Prix du concours "Décrire la Nature" 2024

Désignation des Prix du concours "Décrire la Nature". Avec un brin de délai (prévu au sortir de l'été pour les éditions suivantes), le jury du concours de poésies et textes sur la nature a désigné les lauréats pour cette année. Ils remportent leur texte mis en page par nos remarquables graphistes de l'agence Accentgrave sise à la Maison des éditions de Billère (64) et dûment encadrés. Nous tenons à remercier tous les participants, dont les textes seront prochainement affichés à la médiathèque de Laruns.

Nota bene: les lauréats qui n'auraient pas renseigné leurs adresses postales, courriel et numéro de téléphone avec leur texte sont priés de se manifester @flore.capdetrey-galtayries@univ-pau.fr et mediatheque@laruns.fr CC: contact@ecrirelanature.com

-Catégorie adultes :

  1. Bergères de Marie Guicheteau
  2. Le Torrent de Bernadette Hoo

-Catégorie collégiens:

Félicitations à tous les participants du collège 5 monts de Laruns ! Leurs textes seront affichés en médiathèque de Laruns.

Pour les 6èmes : le texte d'Eloïse Loustau
Pour les 3èmes : les textes de Raphaël Bergez et Raphaël Vignau (ex aequo). Mention spéciale à Matis Casteigbou Bausmayer.

Les lauréats remportent leurs textes mis en page par nos graphistes de l'agence Accent grave, de la maison des éditions à Billère. Les prix seront remis en médiathèque de Laruns dans le courant du mois de novembre. La date exacte sera indiquée ici-même, sur nos réseaux sociaux (pages facebook et instagram) et en médiathèque.

-Les textes:

Ci-dessous et ci-joint; les textes des deux lauréats.

Pour la catégorie adulte:

  • Bergères, par Marie Guicheteau

    Ce matin, en me levant, j’ai glissé une bergère dans mon œil.
    C’était une bergère miniature, une femme endormie, lovée dans une goutte d’eau.
    Elle m’a laissée faire : elle savait qu’elle était la seule qui pouvait me laver le regard.

    Avec elle maintenant je marche.
    Il faudra bientôt franchir le passage étroit et sombre des gorges du Hourat.

    Je marche dans la bouche bleue et verte qui s’ouvre dans la roche frissonnante au-dessus de Laruns. “Hourat” : ces sonorités roulent dans ma mémoire.

    Je respire. Un bref instant je crois me souvenir d’un temps où la Nature et les Hommes n’étaient point séparés… Ce gouffre de pierrailles géantes et d’eau tourmentée est un passage obligé. J’interroge ma bergère intérieure : ne faut-il point murmurer ici une formule secrète, une incantation magique, une recette de fées ? La pudeur me prend : je ralentis mon pas. Moi l’étrangère, la visiteuse, la chercheuse d’émotions, ai-je vraiment le droit de m’avancer plus loin ? Que dis-je ? Déjà je m’éloigne, je m’écarte, je réfléchis trop.

    Des voitures me dépassent à vive allure.
    Des mélodies métalliques et des mots mal mâchés jaillissent au-delà des vitres entrouvertes. Cinglantes brutalités contemporaines !

    Dans mon œil, la bergère assoupie murmure : “ils s’en vont tout là-haut, ils suivent des images stériles”. C’est vrai qu’ils ne font que passer, ils ne voient rien, ils guettent les paquets de cigarettes douteuses et les bouteilles aux reflets sombres.

    Le col du Pourtalet n’est pour eux qu’un lieu d’achat, un territoire fait d’objets à rapporter et de cartes postales à saisir. Mais là-haut, un vautour passe.

    Bergères, où allez-vous ?
    Bergères, que cherchez-vous ?

    Le bitume abandonne enfin mes semelles : voilà le sentier que je cherchais.
    Une brume légère est tombée. Sitôt dépassés les premiers méandres de ce verrou glaciaire, d’autres falaises se redressent, flammes blanches et vivantes. Deux fois par an, ici, les vaches et les moutons redessinent la courbe nocturne des anciennes transhumances : moments pénibles frémissants de ferveur, épreuve de souffle et de feu, impertinence vagabonde et collective ! Sous les étoiles solennelles, ils sont des milliers d’hommes et d’animaux à recréer cette ligne de temps circulaire. Dans mon œil, la bergère cachée me raconte cette histoire : elle me rappelle le rythme des sabots sur la terre sèche, elle me transmet le cri vigoureux des pâtres harassés qui lèvent leur bâton vers le ciel après avoir poussé les veaux dubitatifs. Imprégnée de ce chant, je lis les reliefs, je déchiffre les bosquets, je caresse des yeux les mystérieux cercles de pierre.

    Mais là haut, un nuage passe.

    Bergères, que dites vous ?
    Bergères, que savez-vous ?

    Je suis en sueur. Devant mes pas, la pente semble se poursuivre à tout jamais.
    On n’en voit pas le bout. C’est le talent de ces montagnes, de se dérober, de s’écouler sans cesse, de résister à l’emprise de la vue humaine. Quelques sapins hochent la tête et je suis surprise de sentir leur sourire doux et délicat.
    La montée est bien raide, n’est-ce pas ? Allons donc !

    Puis, un silence religieux me pénètre jusqu’à l’os. Voilà les grands hêtres. Les troncs blancs, légèrement marbrés, s’élancent vers la lumière incandescente comme s’ils cherchaient à embrasser les cimes aux lèvres pâles. Mes jambes m’embarrassent. Un instant, il me vient l’idée de rester là. Oui, de me planter dans le sol habillé de mousse et de petites pierres, de ne plus bouger jusqu’à ce que tout le sang vierge et désirable de la Terre me rejoigne !

    Mais femme je suis, femme je vais, femme je marche.
    Dans mon œil, la petite bergère se redresse, se cogne, appuie sur ma rétine… Elle m’exhorte à poursuivre. Le sentier continue, la vie pousse ses heures. Quelques mètres plus loin, entre deux cailloux, une marmotte siffle et passe.

    Bergères, que soupçonnez-vous ?
    Bergères, que contestez-vous ?

    J’ai laissé derrière moi les publicités aguicheuses, les néons platoniques, les incohérences humaines et les sorcelleries mortifères. Pas à pas, entre les houx, le serpolet, les buissons à myrtille, je progresse et je dépasse les mirages inquiets qui s’accrochaient encore désespérément à mes pensées. La forêt, miroir parcouru d’ombres et de mouvements, s’éclaircit : les reliefs, à nouveau, se laissent admirer dans leur pleine vigueur mâle. C’est une splendeur fidèle, verticale, inaliénable. C’est l’une de ces beautés qui renforce l’âme et ne la quitte plus jamais.

    Cette pureté montagnarde me renouvelle et fait de moi sa bienheureuse captive : elle me tire contre son sein, elle m’arrache à toute sombre rumination.
    Les souvenirs boueux relâchent leur emprise.
    Le viol peut disparaître.
    Le mensonge peut rester loin, derrière.
    Les trahisons douloureuses écartent leurs doigts crochus.

    Pour la femme que je suis, la nature est remplie de présences protectrices, de puissances alliées. Je respire fortement, je suis décoiffée, j’expulse toute déception et toute rage. Ah ! Un ours pourrait bien passer par là ! J’appartiens à la vie, je n’ai plus peur, je me sens lavée de toute l’affreuse impuissance. Je traverse un troupeau de chevaux. Ils me regardent sans bouger. Un poulain s’avance timidement. Presque sous mes pieds, un filet d’eau claire à peine barbouillé de mousse chante sans se retenir : j’en recueille avec joie l’enfantine offrande.

    L’eau dégouline de mes doigts : je ris, je pleure. C’est simple. Je ne pense plus à rien.
    Mais un hélicoptère passe en rugissant et le lion céleste me rappelle que je ne suis pas venue “en balade”.

    Bergères : que laissez-vous ?
    Bergères : que suivez-vous ?

    Je me laisse à nouveau divaguer sur l’aîle d’un vautour fauve. Non loin, en contrebas du sentier, j’aperçois soudain la grâce brisée d’une brebis morte, à demi mangée par la pluie et le soleil. Des nuages de laine peuplent la carcasse. L’écume carnée écume au-dessus des os lisses comme des falaises creusées de grottes et surmontées de crêtes coupantes. Séchées et translucides, les chairs déconvenues tremblent vaillamment au vent.

    La brebis qui vivait là est devenue ce morceau de montagne comestible…
    Autour d’elle une herbe rase, fleurie et bourdonnante, la dévore avec appétit.
    Un rayon de soleil tombe sur les cornes ondulées.

    Là-bas, brille le toit gris d’une cabane. Quel est son nom ? Est-ce Magnabaigt ? Est-ce Pombie ? Est-ce cap de Pount ?

    Malicieuse, ma bergère étire ma pupille, m’envoie des éclats de tempête, joue à me désorienter. Mais les nuages se sont massés derrière le rocher. Ils ne passent pas : je n’ai pas de temps à perdre : avançons.

    Bergères : que désirez-vous ?
    Bergères : que créez-vous ?

    Un éclair tente de déchirer le pic d’Ossau.
    Ma peau frissonne : une bataille se prépare-t-elle ?
    Une bourrasque tiède me gifle.

    Oserai-je l’avouer ? Ce qui me réconforte dans la nature, c’est sa violence inaliénable, sa puissance déstabilisante et maternelle à la fois. Tandis que les premières grosses gouttes font remuer la terre molle, ma bergère invisible entonne une douce chanson, dans cette belle langue béarnaise qui restera toujours, pour moi, délicieusement étrangère.

    “Au som deu malh, que i a, ua lutz,
    Que i a ua lutz, que i a ua lutz,
    Qu’i cau guardar los uelhs dessus,
    Los uelhs dessus, los uelhs dessus”

    Je suis presque arrivée. La porte de la cabane s’entrouvre. Je ne ressemble plus à rien. Mes cheveux sont devenus un mélange d’éclairs, de feuilles et de vent : mes mains sont rouges et ridées comme deux vieilles pommes étonnées ; mes jambes tremblent et gémissent, secouées par des éclats boueux et tonitruants. La cabane semble déserte.
    Nulle voix m’interpelle ou me houspille.
    Je n’ai plus le goût des fausses politesses et des longues tergiversations !
    Aussi, j’entre et je m’asseois sur un banc, en face de la petite cheminée… Enfin !
    Sur l’étagère, au fond, je devine la silhouette lourde, dense, féminine, harmonieuse et palpitante, d’une tome ronde.

    La robe beige, dorée, balbutiante, appelle ma peau, mes yeux, ma bouche.
    Est-ce le fruit défendu ? Est-ce un appât funeste ? Eh !
    Je suis déjà contente de le savourer des yeux.
    Le fromage est tout jeune : sa croûte a besoin de s’affermir, de se polir, d’affiner son chant.
    Je le tapote légèrement : il sonne clair. Il laisse déjà deviner de beaux parfums d’estive, de trèfle et de serpolet…

    Perdue dans ma contemplation, rêvant aux reflets neigeux et à l’écume animale qui ont fait naître cette Vénus fromagère, j’en oublie un instant ma bergère discrète.

    Elle s’est éclipsée !

    Quittant sa torpeur voyageuse, comme une goutte de miel qui s’écoule de son pot, elle s’est glissée hors de mon oeil admiratif… La panique me prend : aurait-elle le toupet de m’abandonner là-haut ? Que peut faire une fille de la vallée, perdue là-haut, seule et sans rien ? Ma bergère était-elle une méchante fée ?

    Lheu veram pas jameis la fin
    Jamei la fin, jamei la fin
    La libertat qu’ei lo camin
    Qu’ei lo camin, qu’ei lo camin

    Apres lo malh, un aute malh,
    Un aute malh, un aute malh,
    Après la lutz, ua auta lutz,
    Ua auta lutz, ua auta lutz…

    Dans mon dos, voilà qu’une bougie s’allume.
    C’est ma bergère qui revient, qui chantonne et réchauffe mes pensées.
    Je l’observe : elle se déploie dans toute son humaine mesure, en chair et en os, et je suis intriguée.

    Je croyais qu’elle était d’un autre temps…
    Je croyais qu’elle n’avait plus sa place ici-bas.
    Je croyais que la modernité l’avait chassée !
    Je croyais que son destin était dans les contes pour enfants.

    Je rentrerai demain, chargée de parfums, de couleurs, de fatigue et de magie.
    Demain, je rentrerai, je parcourerai le sentier, à nouveau.
    Des vautours et des nuages passeront.
    Des lumières franchiront les ombres.
    Des bouquets de serpolet, de menthe et de trèfle me monteront aux narines.

    Je ne serai pas triste : là-haut, ce n’est jamais très loin d’en bas.

    Les montagnes parlent aux vallées. Les vallées coulent sur les pentes des montagnes. Les bergères vivent dans nos yeux comme des flammes vivantes. Elles allument des bougies là où nous croyons nos solitudes éternelles. Elles guident nos pas au-delà des frontières qui oppressent nos fictions quotidiennes. Avec elles, nous franchissons le cadre muet des cartes postales.

    Je me rappellerai que la Nature n’est jamais l’Absente imaginée.
    Je me rappellerai que la Nature est ce mouvement, ce chant poignant, cette amitié qui reste dans le corps.

    Ce matin, en me levant, j’ai glissé une bergère dans mon oeil.
    C’était une bergère miniature, une femme endormie lovée dans une goutte d’eau.
    Elle m’a laissée faire : elle savait qu’elle était la seule qui pouvait me laver le regard.

  • Le torrent, par Bernadette Hoo
    Téléchargez le texte : texte-eaux-bernadette-hoo-120240605_19484337.pdf (dessin de B. Hoo)

*Cascade à Arriutort (Copyright C.Baylocq S. pour Ecrire la Nature)*

-Pour les 3emes du collège Cinq Monts de Laruns:

  • La cascade de Séris, par Rafaël Vignau Deleuze

À l'aurore, le soleil pailleté d'or caresse les nuages.
Jaillit soudain des flancs des montagnes la merveilleuse cascade de Séris, chute d'eau majestueuse de la vallée d'Ossau.
Ses flots en effervescence me procurent une joie intense !
Quand glisse sa robe imposante, rien ne résiste à sa puissance.
Son eau féerique, transparente, scintillante, ruisselle comme des cheveux d'argent.
Tu es née petite source où viennent boire les animaux, tu as grossi, au fil des années, pour montrer ta dignité.
Lors des nuits étoilées, l'immensité de la voie lactée se reflète dans tes eaux limpides, comme la lueur de mes yeux quand je t'ai aperçu pour la première fois.
Sur le dos des pierres, dans un rai de lumière, tu nous éblouis de ton eau cristalline.
Lorsque les montagnes se revêtent de leurs beaux manteaux blancs, tu restes là, toujours aussi puissante.
Jusqu'à la fin de nos jours, tu resteras toujours, pour notre future progéniture, la source de nos désirs.

et (ex-aequo)

  • Acrostiche sur le Montagnon par Raphaël Bergez

Les sommets altiers, touchant le ciel,
Enseignent la grandeur, la force et l’éternel,
Majestueux, ils veillent sur la terre,
Offrant des panoramas d’une beauté sincère.
Nuages s’enroulant autour de leurs pics,
Témoins silencieux des âges antiques,
Au Montagnon, leur présence se fait sentir,
Gardien des secrets, des vents et des souvenirs,
Noble et puissant, ce monde d’altitude

Ouvre nos cœurs à l’infini, à la solitude,
Nous rappelant que ce lac est inoubliable et sacré.

-Pour les 6èmes du collège Cinq Monts de Laruns:

  • Autour d'Artouste par Eloïse Loustau

L’onde claire coule bruyamment sur les roches plates et lisses. Le vent d’été souffle sur l’herbe grillée par le soleil brûlant. Les brebis mangent paisiblement autour de moi .Les petits poissons gris s’enfuient en me voyant plonger les pieds dans l’eau glacée. Les jolies fleurs multicolores s’épanouissent à l’ombre des sapins épineux. La bonne odeur de bruyère flotte dans l’air de la montagne. Les marmottes sifflent sur le flanc de la montagne quand elles aperçoivent le grand patou courir vers elles. De temps en temps, le sifflet du petit train d’Artouste retentit au loin. Le vent siffle entre les arbres, on entend comme une chanson. L’eau du gave provient de la fonte des neiges, elle est tellement froide que l’on ne peut y rester longtemps.