John Muir, stupéfait de la beauté de la vallée ossaloise

« ÉCRIRE LA NATURE », Laruns, vallée d’Ossau, Pau

La première édition de ce Festival s’est tenue du 16 au 19 juin, à Pau, Laruns et en Vallée d’Ossau. Parti du rêve de l’anthropologue Cédric Baylocq Sasoubre d’organiser un festival consacré à l’écriture de la nature dans la vallée de ses origines, Ecrire la nature ambitionne de réunir un large public allant des habitants de la vallée aux élèves de collèges et lycées de la région et aux amoureux de la nature, autour d’écrivains pyrénéens, français et étrangers, de manifestations poétiques et musicales, de rencontres, de balades dans la nature avec lectures poétiques et accompagnements musicaux, de films et de concerts.

Chaque année, des écrivains internationaux venus d’une aire géographique précise se joindront aux écrivains français. Pour les deux premières éditions du festival, l’Ouest américain a été choisi, en raison du rôle pionnier en matière d’écriture de la nature et de conscience environnementale qu’ont eu des écrivains américains du XIX° siècle tels H. D. Thoreau, (Walden ou la vie dans les bois) ou John Muir, auteur de Un été dans la sierra. Durant quatre jours, le public a pu écouter des écrivains américains à la médiathèque de Pau, mais aussi des écrivains français et notamment pyrénéens, des musiciens ou des botanistes à Laruns, Arudy, au château de Béost, dans l’église de Bescat ou à Izeste.

Parmi les trois écrivains américains invités, on a pu écouter Kathleen Dean Moore, venue de l’Oregon, dont le Petit traité de philosophie naturelle a été encensé par François Busnel dans La petite librairie. Il disait d'elle : « cette wilderness est tapie au cœur du monde comme elle est tapie en chacun de nous. Il faut la découvrir avant qu’il ne soit trop tard. » Kathleen Dean Moore présentait son livre Sur quoi repose le monde, publié chez Gallmeister.
Comme le dit Kathleen dans le livre qu’elle vient de publier, Take Heart. Encouragement for Earth’s Weary Lovers [Haut les cœurs ! Encouragements pour les amoureux de la Terre fatigués]. «il faut encourager les amoureux de la nature pour la sauvegarder. »

Le Californien Nick Neely, auteur du best-seller Alta California, présentait dans ce livre son voyage à pied sur près de 1000 km de la côte californienne, dans les pas de l’expédition Portola de 1769. Gaspar de Portola, c’est ce descubridor qui a donné son nom à une vallée et à une ville américaines, et dont le berceau familial se situe à Arties dans le Val d’Aran, où se dresse sa statue que l'on doit aux artistes Josep Maria Subirachs et Francesc Carulla. Cette statue a été offerte par les Catalans à la ville californienne de Pacifica : lien entre les Pyrénées et l’Amérique, encore.

Déjà en 2007 Scott Slovic avait évoqué ce lien en présentant le livre de Robert Laxalt, Sweet Promised Land (Harper & Row, 1957), traduit en français en 2009 sous le titre Mon père était berger ; un Basque dans l’Ouest américain, par Xavier Guesnu (Aubéron, 2009). Scott Slovic, venu de l’Oregon, auteur et co-auteur de trente ouvrages, parlait là de Voyager pour penser, à paraître fin 2022 aux Presses Universitaires du Midi. Ces trois écrivains sont réunis par un même amour de la nature, de la montagne, et par un combat inlassable pour la sauvegarde de la planète et de ses habitants à travers le pouvoir de la plume qu’a la littérature. Ils ont montré l’écriture de la nature comme combat pour le monde. Trois écrivains pour nous mettre en garde, et pour nous rappeler que l’action est nécessaire et possible pour chacun d’entre nous.

Parmi les écrivains français présents, Alexis Jenni, Prix Goncourt 2011, auteur d’une magnifique biographie de John Muir, Olivier Lafaye, auteur de l’ouvrage Les Béarnais de San Francisco (Cairn, 2019), soulignaient ce lien entre les Pyrénées et les montagnes du Nouveau Monde. On a pu aussi voyager dans les estives des Alpes avec Pierre Madelin et ses Carnets d’estive (Wildproject, 2021) tandis que Yan Lespoux présentait son recueil de nouvelles situées dans le Médoc, Presqu’îles (Agullo, 2021) et Guillaume Sire son roman Les contreforts (Calmann-Lévy, 2021).

Deux prix récompensaient un ouvrage de fiction et un ouvrage de non-fiction : le premier a été décerné à Yan Lespoux pour Presqu’îles, et le second à Alex Jenni pour sa biographie de John Muir, J'aurais pu devenir millionnaire, j'ai choisi d'être vagabond (Editions Paulsen, 2020). Le prix spécial du jury est allé à Kathleen Dean Moore pour Sur quoi repose le monde, traduit par Josette Chicheportiche (Gallmeister 2021). Kev Reynolds était présent à travers la traduction de son livre présenté dans le château de Béost où sa voix a pu être entendue à travers la lecture de plusieurs de ses textes.

Le public était toujours présent malgré la canicule, et les questions, notamment des élèves de 3e du Lycée des métiers de montagne Soeix d’Oloron, étaient particulièrement stimulantes. Un concours avait été proposé aux élèves des diverses classes. Les textes, poèmes et dessins liés à la nature et à la vallée d’Ossau, tous émouvants, montraient de la part de ces jeunes un vrai amour de la nature et un travail d’écriture très intéressant.
Les plantes étaient aussi à l’honneur grâce à l’anthropologue et ethnobotaniste spécialiste des Pyrénées, Mathilde Lamotte, qui a parlé de « Las bonas èrbas » et des usages de la flore en médecine populaire dans les Pyrénées, avant de présenter in situ, le paysage de la vallée, son histoire et ses transformations.

Pierrine Gaston Sacaze n’était jamais très loin, dans ses mots, dans l’Association Pierrine Gaston Sacaze (qui avait réalisé une belle exposition sur le pyrénéisme et le comte de Bouillé), et dans le monument à son effigie, sur le chemin entre Béost et Laruns.

Le film Seule la terre est éternelle (2022), documentaire de François Busnel et Adrien Soland sur l’écrivain américain Jim Harrison était projeté au cinéma Louis Jouvet, et commenté par Cédric Baylocq et Scott Slovic.
L’un des points forts de ces journées a été offert par la musique et la littérature dans la petite église de Bescat, comble, où des textes ont été lus par trois écrivains français et par chacun des écrivains américains. Entre les lectures, les musiciens de l’orchestre de Pau Pays de Béarn jouaient des morceaux de Mozart, et spectateurs et participants ont été enthousiasmés par ce moment de grâce et de communion entre musique, nature, spiritualité et littérature. La musique de Mozart se mêlait au chant des grenouilles entendu dans les textes.

La musique a été plusieurs fois à l’honneur : musique classique à Bescat, musique ossaloise à Izeste, et chansons en béarnais, français, espagnol, chansons traditionnelles ou écrites et composées (et chantées) par Jean-Luc Mongaugé, utilisant notamment des instruments de musique traditionnels pyrénéens.
Les écrivains venus d’Amérique ont été heureux de découvrir la vallée d’Ossau et ses villages, Pau, les gaves des Pyrénées et les innombrables fleurs du Parc National où Cédric Baylocq Sassoubre les a conduits pour une randonnée dans les prairies au bord du torrent.

Malgré la chaleur, ce festival « Ecrire la nature » a laissé des étoiles dans les yeux des participants.

Félicitations aux organisateurs, notamment Cédric Baylocq Sasoubre, Olivier Lafaye et Marianne Lassus (librairie "La Curieuse" à Arudy), mais aussi Quentin Guillon, qui a couvert le festival et Didier Lacouette, omniprésent, et bien sûr la municipalité de Laruns, qui a soutenu l’idée de ce festival dès le départ. Grâce à leur dévouement et à celui, inlassable, des bénévoles, tous les problèmes ont trouvé des solutions pour offrir quatre merveilleuses journées de partage culturel, naturel et artistique et aussi d’encouragement à l’action.

La prochaine édition devrait avoir lieu les 2, 3 et 4 juin 2023 à Laruns et cette fois encore les écrivains des Pyrénées et des autres coins de France rencontreront ceux de l’Ouest américain.

Les comptes rendus des diverses manifestations sont en ligne sur le site ecrirelanature.com, page « Actualités ».

Compte rendu publié dans la revue Pyrénées numéro 292 octobre-décembre 2022